Rimini, Italie


NELLA TEMPESTA














        ©Ligne Directe 2010

"Notre imagination utopique s’est tellement atrophiée dans l’atmosphère asphyxiante des discours apocalyptiques (catastrophes climatiques, carences énergétiques, disparitions d’espèces animales, débâcle économique, guerre pour les ressources...) qu’il semble beaucoup plus facile d’imaginer un monde mourant qu’un monde meilleur. Mais c’est justement quand l’utopie devient inimaginable qu’elle est nécessaire. Cette utopie n’est pas un "Pays de nulle part" ou une fuite, ce n’est pas un système universel, ni un avenir parfait, mais c’est quelque chose qui nous bouleverse, qui nous rappelle que nous ne devons pas accepter les miettes du présent. Il y a toujours un ailleurs où aller".


Isabelle Fremeaux et John Jordan,

Les Sentiers de l’Utopie, La Découverte, Paris, 2011



"Et maintenant que va-t-il se passer ?" est la question qui clôt le dernier spectacle de Motus, Alexis. Une tragédie grecque, une recherche sur les traces d’Antigone dans le monde contemporain. Sur scène, Alexandra Sarantopoulou affirme que, selon elle, la clé de la réponse est dans une phrase écrite par des jeunes sur un mur d’Athènes:



Ερχόμαστε από το μέλλον

NOUS VENONS DU FUTUR


Ce qui s’est passé en Grèce et en Afrique du nord révèle ce que bon nombre d’utopistes et d’auteurs de science-fiction n’avaient pas évalué avec lucidité, à savoir, la présence d’une masse étendue et critique de jeunes, souvent instruits, qui décident de se réveiller et de déplacer l’axe, de se placer hors des coordonnées préétablies.

Ils se placent dans le futur, parce qu’ils sont le futur, un futur qu'Aldous Huxley et Georges Orwell avaient peint de couleurs sombres, mais qui réserve peut-être quelques surprises ?



Je pleure du désir de rêver encore.

Caliban dans La tempête de William Shakespeare


En relisant de près Le meilleur des mondes de Huxley, nous avons découvert que le titre anglais correspond à une citation de La tempête. Comme il arrive souvent lors de notre phase d’étude, nous avons suivi cette piste, et en relisant la dernière pièce de Shakespeare, nous avons relevé une série de coïncidences étonnantes, en lien avec le parcours de recherche que nous avons lancé depuis environ un an. À tel point que nous avons décidé de choisir The Tempest comme "bruit de fond" pour la construction dramaturgique de Nella Tempesta.


L’île devient la représentation du changement, au sein de laquelle la tempête est simulée et provoquée… conçue tout exprès par Prospero et "contrôlée" de façon parfaite par Ariel, personnage capable de "se transformer" avec une grande rapidité et beaucoup de hardiesse…

Combien de similitudes avec les événements actuels, avec nos inquiétudes face à la notion de contrôle et à l’insatiable désir de liberté qui ont nourri le parcours de recherche que nous avons accompli jusqu’à ce jour.

Ce texte renferme de nombreux tumultes, différents niveaux de désordre et bien d’autres tempêtes encore, tant sur le plan individuel qu’à un niveau plus général.

Une macrotempête qui est semblable à la tempête économique dans laquelle nous sommes plongés qu’il est toujours possible de rattacher au thème du contrôle et de l’usage inconsidéré du pouvoir financier. Mais c’est aussi la tempête incarnant le rapport hostile qui s’établit entre les différentes ethnies, entre les voyageurs-migrants qui aujourd’hui vont échouer sur l’île de Lampedusa (que nombre de critiques considèrent comme une hypothétique île shakespearienne)...


La tempête renferme aussi l’éternel conflit entre les générations, entre les pères et leurs enfants, conflit que nous avons déjà abordé lors du parcours sur Antigone… Et enfin, last but not least, c’est la tempête qui bouleverse, qui renverse le rapport entre les zones périphériques et la vision centrale, qui tente de remettre en question le principe même de la représentation qui rend possible un rapport subversif face au réel et au politique".


Enrico Casagrande et Daniela Nicolò

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